Les sous-officiers de l'Armée de Terre, entre « jaune » et « rouge »

Chacun sait, surtout s'il est militaire, que les cadres, officiers et sous-officiers, constituent une société pyramidale dont la base est généralement représentée par les plus jeunes et le sommet par les plus anciens. Le nombre de sous-officiers titulaires de la Légion d'honneur ne respecte pas cette règle. Rarissime, voire exceptionnel, est le nombre des non-officiers distingués par la « Rouge » à un point tel qu'on a pu en faire un vrai titre de noblesse pour les méritants. La bravoure, l'action d'éclat étaient prises en compte tout comme les états de service remarqués. Ultérieurement, Napoléon III instituera la Médaille Militaire en 1852, la « Jaune », véritable consécration du sous-officier tant la « Rouge » restait inaccessible !

Avant les années 1990 qui sonnèrent le glas de la conscription, on peut dire que les sous-officiers, en contact permanent avec les hommes du rang, du contingent ou engagés, étaient l'épine dorsale des unités. Ce sont eux qui exerçaient l'influence la plus immédiate et la plus constante faite autant de sollicitation et d'affectif que d'ascendant et d'autorité. Cela dit, la perception de leur rôle était très différente selon le temps de paix ou le temps de guerre. La vie en campagne n'est pas celle de garnison qui fut souvent la cible des caricaturistes ou du comique-troupier (voir par exemple « Les gaîtés de l'escadron » avec Fernandel). Tout autre est l'image de l'adjudant joué par Bruno Crémer dans la « 317ème section » de Pierre Schoendorffer.

Pour le grand public, la Légion d'honneur, c'est pour les officiers et la Médaille Militaire pour les sous-officiers. Comme en plus, le ruban rouge est en première position sur la poitrine du titulaire, on ne voit que lui ! En fait le prince président Louis Napoléon, futur Napoléon III, eut la courtoisie de laisser la prééminence à l'Ordre créé par son oncle Napoléon Bonaparte, Premier Consul et futur Napoléon 1er ! Si la Légion d'honneur est attribuée à des civils comme à des militaires, la Médaille Militaire est réservée en principe aux sous-officiers. Exceptionnellement, elle est attribuée aux généraux victorieux ayant commandé en chef face à l'ennemi et elle est alors considérée par leur détenteur comme une suprême reconnaissance, tout comme pour les sous-officiers qui voyaient en eux désormais « un des leurs ». Les premiers médaillés, un nombre restreint (42), furent en grande partie les généraux de Napoléon III !. Le Médaillé militaire n'est pas un chevalier, il n'a pas été institué pour lui de Conseil national particulier, pas de serment, pas de parrainage. C'est une récompense militaire alors que la Légion d'honneur affirme de plus l'appartenance à une Cohorte qui doit structurer la société comme l'entendait le Premier Consul.

Les sous-officiers, lors de la Première Guerre mondiale, ont joué un rôle bien particulier. Régiments décimés dès les premiers mois de la guerre, officiers chargeant en casoars et gants blancs, cibles favorites des gardes-chasses enrôlés comme tireurs d'élite dans les armées ennemies, des sergents ont pris le commandement de leur compagnie au cœur du combat, seuls gradés survivants. Alors on est passé rapidement adjudant et les adjudants ont été promu à titre temporaire sous-lieutenant. La Guerre perdurant, ils sont devenus lieutenants à titre temporaire et quelques temps plus tard, ils étaient nommés sous lieutenants à titre définitif. Certains atteindront le grade de capitaine à titre définitif alors qu'ils étaient adjudants en 1914. La nomination leur parviendra parfois dans un camp de prisonniers ou ne leur parviendra jamais, tués à l'ennemi. A l'Armistice, ceux qui voudront rester dans l'armée, iront passer deux ans à l'école de Versailles où on leur apprendra à commander une compagnie (ne l'avaient-ils pas déjà fait, le plus souvent avec gloire ?), à monter correctement à cheval et à baiser la main de l'épouse d'un général !

Quelquefois, la Nation ne leur fut pas immédiatement reconnaissante, la Légion d'honneur leur étant attribuée parfois plus de quatre ans après la fin des combats, soit vers 1930, les services de la Grande Chancellerie imposant dans ces circonstances de prendre son tour.

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