Conférence : « Impacts du changement climatique sur les ressources halieutiques bretonnes »

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Conférence de Jean Boucher sur les impacts du changement climatique sur les ressources halieutiques en Bretagne et dans l’Atlantique du Nord Est.

Le 19 avril 2017, un mercredi, une fois n’est pas coutume, devant une assistance nombreuse et captivée, M. Jean Boucher, membre de la SMLH29N, donnait une conférence au cercle de défense sur les impacts du changement climatique sur les ressources halieutiques.

En guise d’introduction le président a rappelé l’éminent parcours de ce chercheur du CNEXO devenu IFREMER. Arrivé à Brest en 1969, Jean Boucher a d’abord travaillé sur les systèmes de remontées d’eau profonde (upwelling) qui supportent une riche pêcherie de poissons pélagiques (sardines, …) au large du Maroc, puis sur la coquille Saint-Jacques, notamment en baie de Saint-Brieuc, avant de s’illustrer dans le « grand défi » de l’IFREMER sur les impacts du changement climatique sur les ressources halieutiques du Golfe de Gascogne.

Pendant plusieurs décennies plusieurs pêcheries de poissons pélagiques de l’Atlantique Nord (cabillauds, harengs, …) ont décliné sous le double effet de la surexploitation et du changement climatique. Le conférencier a illustré les effets positifs de l’action pluridécennale de  l’Union Européenne à travers la Politique Communautaire des Pêches (PCP). S’appuyant sur les travaux des scientifiques et en dialoguant avec les représentants des pêcheurs, l’Europe a convaincu ces derniers de la nécessité de réguler l’effort de pêche pour garantir une ressource durable de plusieurs espèces emblématiques. La réussite de la PCP est due à la volonté commune des acteurs, et à l’acceptation des coûts et des contraintes.

Il a aussi illustré les raisons pour lesquelles les collectes de coquilles Saint-Jacques se sont effondrées en rade de Brest, en conséquence d’un hiver 1962-63 particulièrement rigoureux (la mer gelait en rade de Brest !) dans une période où, après la deuxième guerre mondiale, la stock était déjà sévèrement exploité. Les fonds de la rade sont désormais envahis par la crépidule, mollusque amené en France avec les barges de débarquement de la deuxième guerre mondiale. Cette espèce invasive est peu appréciée des consommateurs Européens, sauf peut-être des Espagnols. Le conférencier a également illustré l’impact des panaches fluviaux de la Loire et même de la Gironde, au moment des crues, sur l’ensemble des ressources du Golfe de Gascogne, mais aussi de l’Iroise, et jusqu’en Manche Occidentale.

Des coquilles et des hommes

Les légionnaires et sympathisants de la SMLH29N eussent pu ce 19 avril au soir avec un peu d’imagination se croire sur le marché de Provence chanté par G. BECAUT, à la gloire de je ne sais combien de fruits, de légumes, de poissons, de crustacés en voyant défiler non pas sur un étal du Vieux Port mais sur un écran de l’espace Océan du Cercle de la base de Défense rue Yves Collet à Brest une longue liste de poissons de toutes les couleurs : églefins, lieus, soles, harengs, merlus, …bref, vous avez compris, tout un lot de « ressources halieutiques ». Pardon ! En langage de tous les jours « de produits de la mer ». Ceux-ci ne sont pas inépuisables. Au contraire ! Ils sont pour la plupart en voie de disparition. En appui de son exposé savant le conférencier, M. BOUCHER, grande pointure d’IFREMER projette de nombreux graphiques, courbes, statistiques imagées, visualisant l’état actuel des ressources en question : ascension des niveaux, descentes, dégringolades. Regains d’espoir et puis menaces catastrophiques comme le montrent ces éclairs zébrant ces graphiques, dont certains plongeant presque vers la ligne horizontale du zéro en abscisse. Dieu merci M. BOUCHER ne veut pas jouer les Cassandre, ou alors une Cassandre souriante, soucieuse de maintenir dans ses prédictions un juste milieu entre l’enthousiasme et la peur. Il a l’art de tempérer des propos trop alarmistes par son humour, qui est comme le disait un jour une autre grande pointure dans la science des océans, mais aussi un philosophe et un poète, M. Yves La Prairie, père fondateur d’IFREMER… « l’humour c’est du beurre sur le pain sec de l’humanité ».
Qui tient les hauts tient les bas
On vient de parler de cuisine. On a parlé aussi ce 19 avril, et toujours à propos des ressources halieutiques et du changement climatique. Tous les auditeurs ont apprécié les longs coups de projecteurs sur deux produits de la mer pas comme les autres, et bien de chez nous. L’un s’est taillé jusqu’à maintenant la part du lion dans les coquillages. L’autre est en train de le faire. Le premier occupe la moitié du blason municipal de PLOUGASTEL et, élevons le débat, ses lettres de noblesses sont inégalées. Ne figurait-il pas sur la pèlerine des pieux marcheurs se rendant à Compostelle ? Vous avez reconnu la coquille Saint Jacques, en français du dimanche le « pecten » ou « peigne ». Un adage bien connu de tous les militaires, depuis qu’il y a des hommes et qui se battent, veut que « Qui tient les hauts tient les bas ». Vrai de tous les combats sur terre. En mer c’est autre chose, c’est même le contraire, du moins dans notre rade. Le « pecten » en est la preuve. Il vient d’être dominé par un deuxième coquillage, la crépidule. Une déferlante de ces « fruits de mer » est venu tapisser le fond de la rade et empêche ce faisant notre Saint Jacques de s’ensabler, ce qui lui est indispensable pour vivre. Le voilà pris au piège, tel un renard qui trouve son terrier bouché. Que faire ? On a tout essayé. Quelques restaurateurs ont tenté de le proposer aux clients, arguant qu’il est comestible at aurait un peu le gout du « brennik » cher à nos ancêtres. Certes tous deux sont comestibles. Mais on hésiterait à les faire figurer dans un repas de communion, n’est-ce pas ? Sceptiques ou non les auditeurs de cette excellente prestations ont applaudi Monsieur BOUCHER, collègue de leur président qui plus est, et le remerciant de leur avoir fait profiter de cet éclairage insolite sur les changements climatiques qui les attendent. Bravo Monsieur BOUCHER.

H.J. TURIER