En avant-goût de notre sortie du 19 juin 2014.

 Le porche de La Martyre ; Saint Servais et le peintre Yan’ Dargent
 
La Martyre: un porche et trois histoires
 
On devrait dire «Le Martyr» car en breton le mot est masculin: Ar Merzer. Mais «Le» ou «La», l’erreur est la même, il ne s’agit pas d’un martyr mais d’un meurtrier. Eh oui! Saint Salomon, ou Saint Salaün, est un assassin, repentant certes mais qui a tué le roi Erispoé, un descendant de Nominoé. A tout péché, miséricorde.
Cela dit l’enclos paroissial du faux martyr est très connu. Comme tous les enclos, c’est un cimetière entouré d’une clôture qui s’ouvre par un arc de triomphe et comprend, outre les tombes, un reliquaire, un calvaire et bien sûr une église. On entre dans celle-ci par un porche au sud et par un autre porche, obsolète, à l’ouest. Le porche est un vestibule. Les bretons l’appelaient la petite église, an Ilis Vian, dont l’architecture, les sculptures, les ornementations sont aussi soignées que celles de la grande. Elles racontent une histoire ou plutôt trois histoires: une histoire sainte, une histoire de l’art, une histoire d’amour.
 
Une histoire sainte
 
Le porche s’ouvre par un monumental arc ogival dont les pieds droits racontent l’évangile de l’Enfance. De bas en haut se déploient, à gauche comme à droite: Annonciation, Visitation, Mariage de la Vierge, présentation au Temple, les Bergers et les Mages. Dans les voussures des pieds droits, une brochette d’angelots chevelus et souriants , une harpe, un encensoir. Les anges sont des purs esprits, les saints ont été des hommes en chair et en os. En voici douze dans le vestibule qui sont les piliers du christianisme. Ils sont rangés en ordre de bataille dans leur niche. Sous l’arc ogival, un deuxième arc en anse de panier. Entre les deux une surface, le tympan et dans ce tympan une merveilleuse nativité : Marie allongée, allaitant le Divin Enfant.
 
Une histoire de l’art
 
Cela saute au yeux que ce porche est de style gothique. Son homologue, le porche obsolète de l’ouest est roman. Il est exceptionnel à plus d’un titre. Lui aussi offre au regard les douze apôtres et par dessus le marché deux autres et non des moindres, de loin les premiers au palmarès des diffuseurs du nouveau testament, Paul et Barnabé. Beaucoup plus spectaculaire, jouxtant le porche gothique, la façade du reliquaire pur Renaissance. Il n’y a plus d’arcade ogivale mais des entablements comme des temples grecs; il n’y a plus de scènes bibliques mais des cariatides de type égyptien et, encore plus étonnant et pourtant tout ce qu’il y a de plus logique dans un ossuaire, un crâne et deux tibias à l’image de ceux que le fossoyeur tendit à Hamlet: être ou ne pas être; aujourd’hui c’est moi, demain ce sera toi.
 
Une histoire d’amour
 
En point d’orgue à tout ce déroulement d’images, la belle histoire d’amour. A toute oeuvre d’art il faut un artiste certes mais encore plus un financier, alias un donateur. Il a un nom ce donateur: Guillaume de Kersauzon. Il a voulu faire plaisir à son épouse en l’immortalisant. La femme étendue et allaitant le Divin Enfant, c’est elle, Isabeau du Châtel, qui a servi de modèle au sculpteur. Quelle femme ne rêverait d’un tel cadeau !   H.J.  Turier
 
 
Saint-Servais et Yan’ Dargent
 
Jean DARGENT, dit Yann, est né à Saint-Servais le 15 octobre 1824 avec une baguette magique dans les mains, c’est tantôt son pinceau tantôt son crayon.
Il est embauché en 1840 pour participer aux relevés de terrain sur le tracé de la future voie de chemin de fer Brest-Morlaix. En 1850, il décide de s’installer à Paris et de vivre de ses dessins, peintures et illustrations qui feront sa renommée.

 

Les Lavandières de la nuit ( 1861)
 
Ses dessins agrémentent de nombreux ouvrages pour enfants, tels que les Contes d’Andersen, de Perrault, et de Grimm, ainsi que de nombreux ouvrages de vulgarisation scientifique qui foisonnent  à la fin du 19éme siècle en pleine période de révolution industrielle.
Il illustre de nombreux livres et ouvrages de légendes de Bretagne en s’inspirant souvent des paysages qu’il a tant aimés au cours de son enfance à Saint-Servais. Le plus bel exemple de  son attirance vers le légendaire breton se trouve dans son fameux tableau des Lavandières de la nuit (1861), tableau unique en son genre qui lui valut la célébrité.
Adepte de l’art sacré, il dessine des vitraux, dont ceux de Saint-Servais, illustre des scènes du nouveau testament et de la vie des Saints, et, vers 1870, anime par ses peintures les murs des chapelles latérales de la cathédrale de Quimper.
Passé dans l’oubli pendant près d’un siècle, il renaît grâce à une exposition rétrospective organisée à Landerneau en 1989. Un musée porte son nom à Saint-Servais où chaque été une exposition attire de nombreux amateurs.
Il meurt à Saint-Servais le 1er novembre 1899.
Il a été nommé chevalier de la Légion d’Honneur le 8 février 1877.                                                                                                                                      (Texte extrait du mémorial SMLH 29N)