Les fusiliers marins

Richelieu, en 1627, crée le Régiment de la Marine destiné à donner aux navires des troupes capables de combattre sur mer ou sur terre, encadrées par les officiers des vaisseaux. Ces troupes faisaient partie des équipages des bâtiments et elles participaient aux manœuvres. L’unité de base était la compagnie franche ou détachée de la marine, d’un effectif de soixante-dix hommes environ, commandée par un lieutenant des vaisseaux du Roi, secondé par deux enseignes ; elles s’illustrèrent dans toutes les colonies françaises et en particulier en Nouvelle France. Ces formations existèrent sous divers noms jusqu’en 1825 où elles furent dissoutes par ordonnance royale et donnèrent naissance aux troupes de marine et ultérieurement coloniales, de l’armée de Terre. Cette ordonnance décréta que les compagnies de débarquement seraient uniquement composées de marins de l’équipage, encadrés par les officiers du navire.
L'Amiral Ronarc'h inspecte les fusiliers-marins à la Pépinère (Paris)

Création d’un corps spécialisé en 1856

Ces compagnies manquant de personnel spécialisé dans le combat à terre, un décret impérial du 5 juin 1856 créait la spécialité de marin fusilier dont la formation fut assurée par un bataillon installé à Lorient. Ce corps spécialisé, auquel étaient confiées les fonctions de capitaine et sergent d’armes des bâtiments de la Flotte, en même temps que l’instruction et l’encadrement des corps de débarquement, est l’ancêtre direct des fusiliers marins actuels.

Depuis cette date, les fusiliers marins ont prouvé leur vaillance et leur héroïsme dans les conflits suivants :
• les campagnes coloniales de la fin du XIXème siècle ;
• les expéditions en Chine, en Cochinchine, au Tonkin, à Madagascar ;
• les conflits européens en 1870, 1914 – 1918 et 1939 – 1944 ;
• les opérations d’Indochine (1945 – 1954) et d’Algérie (1955 – 1962).

Pendant la guerre de 1870 – 1871, après le désastre de Sedan, des brigades de marins fusiliers et canonniers se sont illustrées à Bapaume et pour défendre Paris, au Bourget et à l’Haÿ-les-Roses notamment.

En 1900, les fusiliers marins participèrent à la protection des légations en Chine pendant la révolte des Boxers. A noter parmi leurs officiers, l’enseigne de vaisseau Paul Henry tué à Pé-Tang à 23 ans et le lieutenant de vaisseau Pierre Alexis Ronarc’h qui avait 34 ans et qui deviendra quelques années plus tard amiral et commandant de la Brigade des fusiliers marins en 1914.

C’est en 1914 au début de la première guerre mondiale qu’on a vu s’écrire la plus grande page de l’histoire des fusiliers marins dans le cadre de la Brigade des fusiliers marins.
Les fusiliers disponibles au dépôt de Lorient sont constitués en une Brigade, composée de 2 régiments : le 1er°RFM et le 2ème°RFM, ainsi qu’une compagnie de mitrailleurs et un état-major.
Le contre-amiral Ronarc’h en prend le commandement, et fait route vers Paris, avec une nouvelle fois la mission de protéger la capitale.

La Brigade est composée de 6 500 hommes et 200 officiers mariniers. Dans les rangs se trouvent un très grand nombre d’apprentis, de 16 à 17 ans, ce qui fait qu’on les surnommera les « demoiselles au pompon rouge », ou les « demoiselles de Ronarc’h ».

Leur participation déterminante aux combats de Dixmude, sur l’Yser, à Longewaede, Hailles et Laffaux ont marqué les esprits.

Leurs missions, dans un premier temps, seront le maintien de l’ordre dans Paris, et la surveillance des banlieues. Après la bataille de la Marne, la France envoie les fusiliers en Belgique, sur l’Yser et Dixmude. Leur rôle est de retarder l’avancée des allemands, et de protéger le repli des troupes belges. Malgré la chute de Dixmude, face à 30 000 allemands, la mission est remplie avec succès, les belges ayant pu se retirer.

En 1915, ils continueront le combat, après avoir perçu de nombreux véhicules comme des automitrailleuses. On s’aperçoit alors que malgré leur héroïsme, ils n’ont pas de drapeau. Raymond Poincarré le leur apportera, et sa garde est confiée au 2ème°RFM.

En novembre 1915, la brigade de fusiliers marins est dissoute, en voie d’extinction. Elle a perdu pratiquement l’équivalent de son effectif de départ, soit plus de 6 000 marins, majoritairement des bretons, en seulement 16 mois de guerre.

Il ne reste plus alors que de quoi faire un Bataillon. Le bataillon de fusiliers, fort des 850 hommes restant sera renvoyé en Belgique, où il reprendra le Moulin de Laffaux, maintes fois perdu par l’armée, et aussi aux Dardanelles où il mènera des opérations amphibies. Le drapeau ne quittera plus le front, depuis Dixmude jusqu’à l’armistice.

A la fin de cette guerre, le Drapeau du Bataillon de Fusiliers Marins est décoré de la fourragère de la Légion d’Honneur, de la médaille de chevalier de la Légion d’honneur, de la croix de guerre 14-18 avec 6 citations à l’ordre de l’armée rien que pour ce conflit.
Les batailles suivantes seront inscrites dans les plis : Dixmude 1914, Yser 1914-1915, Longeweade 1915, Hailles 1918, Moulin de Laffaux 1918.

Entre les deux guerres les fusiliers marins reprirent leurs missions traditionnelles d’encadrement dans les unités de la Marine, capitaine d’armes et sergents d’armes ainsi que la formation et l’entraînement des corps de débarquement des unités.

Pendant la deuxième guerre mondiale les fusiliers marins s’illustrèrent par de nombreux faits d’armes au sein du 1er Bataillon de fusiliers marins et des Commandos Marine.
Le 1er Bataillon de fusiliers marins

Le 5 juillet 1940, l’amiral Muselier, désigné par le général De Gaulle pour prendre le commandement des unités « marine » de la France libre, décide de constituer une première unité de fusiliers marins.
Le 1er Bataillon de fusiliers marins (1er BFM) prend corps, le 17 juillet, à bord du cuirassé « Courbet » à Portsmouth. L’effectif est d’environ 250 hommes, officiers inclus.
Le 1er BFM part en direction du Cameroun et débarque à Douala. Il participe activement aux opérations de ralliement du Gabon et à la prise de Lambaréné en novembre.

L’unité organise ensuite la défense de Port-Gentil et de Brazzaville au Congo, prenant en charge l’administration générale du secteur, la levée et l’instruction de troupes africaines pour la France libre. Le 23 avril 1941, au terme d’un long périple qui l’oblige à faire le tour de l’Afrique, le 1er BFM arrive en Palestine où se regroupent sous le sigle de Première Division légère française libre, les forces terrestres françaises qui se préparent à entrer en Syrie aux côtés des forces britanniques.

Le 1er BFM prend part, à partir du 13 juin, aux opérations qui se dérouleront jusqu’à la prise de Damas. Le bilan est lourd pour le bataillon ; les pertes s’élèvent à 40% des effectifs engagés.

Le Bataillon est transformé en unité de DCA, chargé de la défense aérienne de la 1ère Brigade française libre sous les ordres du général Koenig, qui est intégrée à la VIIIème Armée britannique. Le Bataillon participe à tous les déplacements et combats de la Brigade dans les déserts libyen et égyptien : Halfaya (janvier 1942), Bir-Hakeim (mai-juin 1942), El Alamein (octobre l942). La conduite héroïque des fusiliers marins à Bir-Hakeim est marquée par une citation à l’ordre de l’armée.

Le 24 septembre 1943, le 1er BFM, ses effectifs gonflés à bloc par des volontaires provenant de la marine d’Afrique du Nord devient le 1er Régiment de fusiliers marins (1er RFM), unité blindée de reconnaissance de la 1ère DFL. Rééquipé sur matériel américain, il comprend 885 hommes dont 30 officiers répartis en quatre escadrons de combat.

Le 22 avril 1944, le 1er RFM débarque à Naples au sein de la Division, et s’insère dans le plan de bataille qui va, dès le 12 mai, entreprendre de rompre le front allemand qui barre toute l’Italie au sud de Rome.

Après les violents combats des fusiliers marins sur le Garigliano qui ouvrent brillamment la marche en avant devant conduire la division jusqu’à Rome, le RFM en avant garde de la Division sur trois axes combat brillamment à Montefiascone et Radicofani. Ses pertes sont importantes : 61 morts et 140 blessés.

Le 16 août 1944, le 1er RFM débarque en Provence à Cavalaire, à la tête de la 1ère DFL. Après les combats pour la libération de Toulon et Hyères, l’unité remonte le Rhône, atteint Lyon évacuée par les troupes allemandes, puis Autun où elle fait la liaison avec des unités de la 2ème DB (Leclerc) débarquée en Normandie.

Après la campagne Vosges, la 1ère DFL est envoyée sur le front de l’Atlantique pour réduire la poche de Royan, mais elle est rappelée d’urgence sur le front de l’Est pour faire face à l’offensive allemande menée par Von Rundstedt en décembre 1944.

En janvier 1945, les fusiliers marins se distinguent à nouveau en Alsace, à Herbsheim et Rossfeld, avant de poursuivre leur marche en avant victorieuse vers le Rhin.

Entre octobre 1940 et mai 1945, l’ensemble 1er BFM / 1er RFM a perdu 195 hommes dont 12 officiers parmi lesquels 2 de ses commandants : 200 Croix de Guerre, 70 Médailles militaires, 32 rubans de la Légion d’Honneur et 31 Croix de la Libération ont été décernés à ses hommes. Le drapeau du 1er RFM compte, en plus des 6 citations à l’ordre de l’armée méritées en 1914-1918, 5 citations à l’ordre de l’armée obtenues pour 1939-1945 avec attribution de la Croix de la Libération, de la Médaille de la Résistance et de la Croix de Guerre.

Le 8 août 1945, le 1er RFM est remis à la disposition des autorités navales. Le drapeau, la mémoire et la tradition du Premier Régiment des fusiliers marins sont confiés à l’Ecole des fusiliers de Lorient.

Commandants des Fusiliers-marins Amyot D'inville et Détroyat

Les fusiliers commandos marine

Au début de 1940 fut formé en Angleterre un commandement des opérations combinées. Son premier but fut l’entraînement à la guerre amphibie, et son second de mettre sur pied et d’exécuter des raids sur les côtes ennemies. Pour cela était prévu des troupes et du matériel de toutes armées (terre, air, mer) et de tous les alliés.

En mars 1941, le capitaine de corvette Kieffer réussit à persuader le commandement français à Londres de confier aux Britanniques l’entraînement et l’emploi d’un groupe de volontaires français pour assumer ce genre de missions. Le premier groupe qui vient s’entraîner dans les bases anglaises prend le nom de compagnie de fusiliers marins et est affecté au deuxième commando anglais. Elle reste compagnie de fusiliers marins commandos et ne prendra officiellement le nom de première compagnie fusiliers marins commandos que le 12 novembre 1942.

Le 19 août 1942, lors du raid de Dieppe a lieu la première participation de 15 commandos de la compagnie. Hitler donne alors l’ordre de passer par les armes tout commando fait prisonnier. Rommel refuse de diffuser cet ordre dans l’armée sous ses ordres. Quelques semaines après le raid de Dieppe les hommes recevront le béret vert des commandos. Un groupe de 150 bérets verts défileront à Londres le 14 juillet.

A l’automne1943, la compagnie se renforce et devient Bataillon de Fusiliers Marins commandos.

A partir de novembre 1943, le bataillon installé sur les côtes sud de l’Angleterre, effectue un grand nombre de missions de reconnaissance et de raids de sondage sur les côtes françaises, belges et hollandaises. En mars 1944, tous les raids sont suspendus. Les commandos français sont intégrés au 4ème commando Anglais pour la préparation du débarquement.

Le 6 juin 1944, la mission du 4ème commando est de prendre Ouistreham après avoir débarqué à proximité. 40% des commandos français seront tués ou blessés dans cette première attaque du débarquement, mais la mission est accomplie à temps pour que les autres phases puissent se dérouler comme prévu. Les commandos participent à d’autres actions. Pont l’Evêque est traversé le 24 août. Le 25 août, ils entrent à Beuzeville qui n’est plus occupé. Ils y cantonneront jusqu’au 6 septembre, date à laquelle ils regagneront le camp de Petworth (West Sussex). Pendant ce temps Paris est libéré.

Après un retour en Angleterre, pour mise au repos et reconditionnement, le 4ème commando, unité de 500 hommes, est intégré à la 1ère armée canadienne en Belgique. Une mission difficile se présente : la prise de l’ile de Walcheren afin d’ouvrir le canal d’accès au port d’Anvers. La ville de Flessingue est le premier objectif. En deux jours la ville est prise. L’ennemi a 500 tués ou blessés et plus de 1 000 prisonniers. Le commandant suprême des forces alliées devait déclarer qu’il considérait cette opération comme la plus brave et la plus audacieuse de cette guerre. Suivent ensuite 3 raids sur l’ile de Schouwen et deux dernières batailles à Wessel et Minden avant la signature de l’armistice. Les commandos rentrent alors en Angleterre. Durant cette guerre, le bataillon de Fusiliers Marins aura été cinq fois cité à l’ordre de l’Armée et aura reçu les fourragères de la croix de guerre et de la médaille militaire.
Insigne du RBFMLa Guerre d’Indochine s’est déroulée de 1946 à 1954, et a opposé les forces du Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO) aux forces du Viêt Minh (Front de l’indépendance du Vietnam) nationaliste et communiste. La Marine assura, dès le début des opérations, la formation et l’acheminement d’une importante unité (2 450 hommes) de fusiliers marins, la Brigade Marine d’Extrême Orient (BMEO) entièrement intégrée au corps expéditionnaire du Général Leclerc. Cette brigade était composée du RBFM provenant de la 2ème DB et d’un régiment de « canonniers marins » regroupant diverses formations de la marine à terre.

Etaient mis aussi à la disposition de la même autorité, le Commando parachutiste de l’Aéronavale du Capitaine de Corvette Ponchardier et les compagnies de débarquement de cinq bâtiments de guerre.

Les commandos marine furent recréés le 19 mars 1947 au nombre de six et reçurent les noms d’officiers de marine tués en Indochine en 1946 et 1947. Trois furent affectés en Indochine (Jaubert, François et de Montfort). C’étaient des unités légères comportant 60 hommes pour des actions courtes et brutales.
Pendant toute cette période les fusiliers marins effectuèrent de nombreuses opérations.
En 1956, alors que la Guerre d’Algérie s’intensifiait, la Marine nationale mit sur pied la Demi-Brigade de Fusiliers-Marins, la DBFM.
Cette force deviendra un élément important de l’activité militaire, et comptera, entre sa création et 1962, plusieurs milliers de marins.

Loin du grand large, et même de la côte, ils contribueront aux opérations, à pied, en voiture, et même à cheval. Pour de nombreux militaires, de carrières ou appelés, ce fut le temps de la jeunesse, du risque, de l’aventure.

Un siècle et demi après sa création le corps des fusiliers marins reste une composante importante de la Marine Nationale. Regroupant au total près de 1 700 hommes, dont 400 commandos, les fusiliers marins et les commandos comportent 7 compagnies de fusiliers marins remplissant des missions de protection et 5 commandos (4 d’assaut et un de nageurs de combat) chargés tout particulièrement des actions de vive force en mer ou à terre.