Marine marchande

« Du temps, matelot, où on allait pêcher la baleine … » le capitaine, qu’il soit au long cours, au cabotage ou au bornage, était le maître à bord, après Dieu, certes, mais le maître à bord. Il avait même un « chapeau », pourcentage à valoir sur la cargaison pour qu’il en prenne soin. Parfois il était aussi l’armateur du navire, jouant sa fortune sur une expédition maritime toujours périlleuse, « faisant tapis », en quelque sorte. Un métier de seigneur toujours remis en cause puisque, comme le disaient déjà les Anciens, « Il y a les vivants, les Morts et ceux qui vont sur la mer ». Au milieu du XIXème siècle, on ne comptait pas moins de 800 naufrages en cinq ans sur les seules côtes de France, affectant aussi bien la pêche, le commerce ou la marine nationale, avec quand même 4 chances sur 5 d’en sortir vivant ! Qui dit naufrage, dit aussi sauvetage, et on prit progressivement conscience des besoins de protection : gilets de sauvetage en liège et en kapok, stations de sauvetage armées par des volontaires, embarcations de sauvetage à bord des navires pas toujours en nombre suffisant comme le démontrera le naufrage du « Titanic », apparition de la radio qui sert à annoncer aussi le jour et l’heure d’arrivée au port avec la plus grande prudence « si Dieu le veut et si le temps le permet », de la police des glaces avant la Première Guerre Mondiale. Les pilotes participent bien sûr à cet immense effort de sauvegarde de la vie humaine. Et puis, il y tous ses inventeurs féconds qui imaginent des appareils qui nous semblent parfois un peu farfelus comme la barque ailée de Le Bris ou le cerf-volant de sauvetage du Brestois Broquet, destiné à passer une ligne de sauvetage entre le navire échoué et en perdition et la côte. Et cela marche ! Le cerf-volant de Broquet aura sauvé la vie de 52 personnes et fait l’objet d’un compte-rendu dans L’Illustration.

La famille maritime qui reste à terre, armateur, officier de port, interprète, conducteur de navires en douane …, sont souvent moins concernés par l’aspect parfois tragique des métiers de la mer. Et si on obtient la Légion d’honneur, ce n’est pas toujours pour ces raisons. L’armateur brestois Chevillote qui a mené ses navires au premier rang du cabotage international en France, est bien décoré de la Légion d’honneur pour avoir été pendant de nombreuses années président du tribunal de commerce de la ville.

Aujourd’hui les choses ont bien changé. Le capitaine d’un porte-conteneurs a comme mission essentielle d’amener son navire dans le port prévu au jour et à l’heure dite, sinon il risque de perdre sa place à quai, et donc de faire perdre de l’argent à son propriétaire. Son second ne calcule plus le plan de chargement, c’est l’ordinateur d’un agent à terre qui le fait. L’armateur est bien lointain, remplacé le plus souvent par un montage financier complexe et l’armement ne porte plus guère le nom de son propriétaire comme lors des siècles précédents …. L’exploitation nautique du navire se fait par l’intermédiaire d’une autre société, différente de celle qui exploite le navire commercialement. La gestion du personnel est encore le fait d’une tierce entreprise. Le pavillon du navire pourrait faire croire à un seul moyen décoratif, le plus souvent exotique. Bien loin sont les principes de Richelieu qui voulait qu’un état puissant ne se concevait pas sans une flotte de commerce et une marine militaire puissantes.

Aujourd’hui les Gorristes sont bien obligés de chanter : « Inscrit maritime à l’ANPE … » !