Mers-El-Kébir, ville portuaire d’Algérie dans le golfe d’Oran, a été le théâtre d’un drame qui a ensanglanté la marine française le 3 juillet 1940.
Après la débâcle de juin 1940, le gouvernement français, ayant demandé l’armistice, s’engageait à ne pas poursuivre la guerre. Cependant, selon l’engagement franco-britannique du 28 mars 1940, on ne pouvait conclure de paix séparée sans l’accord de l’autre partie. Winston Churchill, comprenant la position difficile de la France, admettait que la France soit déliée de cet engagement. Il fallait toutefois éviter que la flotte française, une des plus puissantes et qui n’avait jamais été vaincue, ne puisse tomber aux mains de l’ennemi. Elle devait, alors, soit se saborder, soit rallier les positions britanniques ou américaines.
La Chancellerie britannique, ayant rappelé ces conditions au gouvernement du maréchal Pétain, craignait que les Allemands ne s’emparent de la flotte française contre son gré, même si les responsables français affirmaient qu’ils n’avaient pas l’intention de la remettre aux Allemands, ce que le projet d’armistice ne prévoyait d’ailleurs pas. Les Anglais exigeaient cependant que, si l’armistice était signé, il ne pouvait l’être « qu’à la seule condition que la flotte française soit immédiatement dirigée vers les ports britanniques en attendant l’ouverture des négociations ».
Selon l’historien Max Lagarrigue, « les deux tiers des ports d’attache de la marine française étant en zone d’occupation et donc à la merci d’un coup de force de la Wehrmacht ; Churchill ne pouvait pas prendre le risque de ne pas demeurer la première puissance navale du monde ».
L’amiral de la flotte française, Darlan, avait donné l’ordre à tous ses états-majors de saborder leurs bâtiments si les Allemands essayaient de s’en emparer. Un peu plus de deux ans plus tard, le 27 novembre 1942, les Allemands tentent de s’emparer des bâtiments français après avoir franchi la ligne de démarcation le 11 novembre 1942 et, effectivement, la flotte présente à Toulon se saborde le 27 novembre 1942.
Le 27 juin 1940, Churchill décide de saisir les bâtiments français dans les ports britanniques ou de les neutraliser dans tous les autres ports de guerre, en particulier à Mers-el-Kébir. Ce fut l’opération « Catapult ».
Arrivé le 3 juillet devant la base de Mers-El-Kébir, l’amiral Sommerville adressa un ultimatum à l’amiral Gensoul :
- – soit la flotte française présente rejoignait la flotte britannique ;
- – soit elle se sabordait ;
- – soit elle gagnait les ports britanniques, américains ou antillais pour être désarmée.
Dans le courant de l’après-midi, un compromis était sur le point d’être trouvé, mais l’adjoint de Darlan fit savoir à Gensoul, par radio, que les escadres françaises de Toulon et d’Alger se portaient à son secours. Les Britanniques captèrent ce message et Londres ordonna à Sommerville d’intervenir. L’ordre fut alors donné d’attaquer la flotte française.
La flotte anglaise ouvrit le feu à 16h53. La flotte française, bloquée dans la rade, présentait un gros handicap pour riposter. Le cuirassé « Provence » et le croiseur de bataille « Dunkerque » furent touchés et s’échouèrent. Le cuirassé « Bretagne », atteint par une salve, prit feu et coula en quelques minutes avec une grande partie de son équipage.
Durant le combat, le croiseur de bataille « Strasbourg » réussit à appareiller et, suivi des cinq contre-torpilleurs « Volta », « Terrible », « Lynx », « Tigre » et « Kersaint », gagna le large après un bref engagement, tandis que le « Mogador », touché de plein fouet par un obus de 380, coule sans avoir pu sortir de la rade. Seul le porte-hydravions « Commandant Teste », resté au mouillage sortira indemne de ce carnage. La bataille n’aura duré que vingt minutes lorsque Gensoul demande un cesser le feu pour évacuer les blessés.
Au total, 1 297 marins périrent au cours de ce tragique affrontement. Le cuirassé « Bretagne » comptait 1 400 hommes ; seulement 200 d’entre eux s’échappèrent de l’enfer vécu à cette occasion. (Texte rédigé à partir d’un article de La Charte de juillet – août 2009)