Officiers de l’armée de terre

« Faites-moi quelque chose de plus sérieux. Il y a des hommes qui vont se faire tuer pour avoir le droit d’épingler sur leur veste ce bout de métal qui ne vaudrait pas 3 sous chez un quincaillier de village » aurait dit Bonaparte à un manufacturier lui présentant un premier modèle de médaille de la Légion d’honneur, modèle qu’il brisa illico. Contrairement à ce que l’on pense souvent, la nomination dans l’ordre de la Légion d’honneur n’est pas réservée aux militaires ou aux actions d’éclat mais « aussi bien à des savants qu’à des héros ». Cependant, il faut bien reconnaitre que jusqu’à la Troisième République, les militaires, et les officiers en particulier, se taillèrent la part du lion au milieu de quelques ecclésiastiques de haut rang, poètes ou artistes, manufacturiers égarés, hommes politiques d’envergure nationale, à la rigueur régionale ou locale. Le ruban rouge rappelle indéniablement le sang versé et l’adoubement à ce nouvel ordre de chevalerie se fit plus souvent sur le champ de bataille (ou dans les hôpitaux) que sur le Champ de Mars. Cependant, en temps de paix, à la « Garde au Rhin » (ou à la frontière), dans une garnison de province ou à la limite du « Désert des Tartares », les militaires ont œuvré pour la paix tout en se préparant à la guerre comme le veut le dicton latin. Alors, ce fut « Grandeurs et servitudes militaires » et dès lors, la devise de Saint-Cyr Coëtquidan « Ils s’instruisent pour vaincre » se justifiait pleinement. On ne peut passer sous silence, en dépit de toute polémique de bon ton aujourd’hui, le rôle des grands proconsuls que furent Faidherbe au Sénégal et Lyautey au Maroc.

Issus de la prestigieuse Ecole spéciale militaire de St Cyr, issus du rang et jugés dignes de commander après un passage à Saint-Maixent, promus officiers au feu, tous sont comptables de la vie des hommes qui leur ont été confiés par la République, tous ont reçu le droit de « dépenser » leur sueur, leurs forces, leur jeunesse, leur sang contre bien souvent une maigre solde, pour défendre les idéaux de la République. Sur le territoire de la métropole ou longtemps sur ceux des colonies, à l’étranger, sous le drapeau national, celui de l’ONU ou de l’OTAN, les officiers ont toujours fait preuve d’honneur et de discipline, de valeur et de sens patriotique. Dotés d’un organigramme pyramidal, en général simple et efficace, souvent envié et copié par les entreprises civile, dotés d’un entrainement et d’un matériel à l’aune des crédits budgétaires alloués par le gouvernement, ils restent le glaive de l’Etat et les défenseurs ultimes de la Constitution pour « une parcelle de gloire » comme l’écrivait le général Bigeard et pour quelques phalères comme l’avaient déjà bien compris les Romains.

Lors de la remise de décoration d’un jeune camarade dans les salons de l’Elysée par le Président Mitterand, celui-ci fit l’éloge « de ce jeune garçon qui avait choisi la voie ingrate et mal payée du service de la France par les armes ». Quelques mois après son élection, sur la passerelle d’une frégate, quelques énarques issus du troisième tour, un tantinet ricanant, demandèrent si l’élection du nouveau président posait des problèmes aux militaires. Il leur fut répondu « Quels problèmes ? Nous ne servons pas un président, mais la République ». Ces années 81 furent riches en dialogues de ce style et la réponse fut toujours la même, qu’elle s’adressât à une délégation parlementaire ou à un ministre et à son cabinet, de la part d’un officier subalterne ou d’un officier général issu de la France Libre.