Sortie du 19 juin 2015

~~Sortie culturelle de la section SMLH 29N le 19 juin 2015

Texte d’H.J. TURIER

Des robots et des hommes

-Échangeur ! Pour les 40 et quelques membres de la section Nord du Finistère alignés pour la photo ce mot évoque tout au plus un espace de réseau routier avec bretelles et giratoire. Ici non ! L’échangeur est une spirale rappelant en plus grand les rouleaux de réglisse du temps passé. Mais où est-on ? De quoi s’agit-il ? Nous sommes à Ploujean, banlieue de Morlaix. Nous sommes accueillis par M. Joseph Le Mer, président directeur général de la SERMETA.  On apprend que l’échangeur est une pièce maîtresse des chaudières au gaz. Mais il a bien autre chose à nous montrer dans sa société industrielle de premier ordre de renommée internationale et, paradoxalement, méconnue dans le département. Et pour cause. Dans ce monde on ne fait pas de cadeau, la sécurité industrielle est un dogme. Avec nous, ses confrères dans le grand Ordre national, aucun danger! Et il va nous prendre en main pour une intrusion dans ce qu’un sociétaire, qui a ses lettres, comparait au « meilleur des mondes » d’Aldous Huxley, voire au pays des merveilles d’Alice. 

Deux heures de déambulation entrecoupées de longs stationnements, d’un atelier à l’autre, dans le doux ronronnement de je ne sais combien de machines en pleine action, ponctuées par les coups de sifflet de jets de vapeur. Merveilleux tout cela ! On se souvient de la malédiction lancée à Adam « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ». La Genèse s’est trompée. Un autre se charge ici de gagner son pain à la place de l’homme : le robot. En quelque sorte dit l’un de nous, c’est une taylorisation « revisitée » ! Exact, confirme M. Le Mer, véritable grand-prêtre de ce temple où sont honorées des valeurs au goût du jour comme l’économie, l’écologie, la technologie bien sûr, où sont battues en brèche des idées reçues sur la productivité, la compétitivité, le temps de travail et tant d’autres vertus diversement interprétées. 

Le président et deux de ses collaborateurs se sont mis en quatre pour satisfaire notre bien légitime curiosité et envie d’apprendre. C’est fait ! Il y a en tout cas une vertu dont il n’a pas parlé, qu’aucune grandeur ne mesure : l’amabilité. Merci M. Le Mer. En levant notre verre de l’amitié offert par la maison, soyez sûr que notre section est fière de vous compter dans ses rangs.

Pyramides bretonnes

Bar Nenez. Étymologiquement : « tas de pierres de la presqu’île ». Qu’a donc de si attrayant un tas de pierres, sinon de dominer la rive verdoyante d’un bras de mer, ici la rivière de Morlaix ? Rien. Totalement méconnu jusqu’à la fin du XIXème siècle de notre ère, quand une société savante s’est aperçue que dans cette colline se cachait sinon le plus grand mais sans doute le plus ancien mausolée d’Europe. 

Sous la conduite d’un guide de haut niveau les sociétaires, après un plantureux repas à quelques pas de la société industrielle d’allure futuriste visitée le matin, ont entrepris de s’attaquer à flanc de coteau à ce prestigieux monument datant de la plus lointaine préhistoire, du néolithique comme l’affirmait le guide –« plus ancien que les pyramides d’Égypte ? » a demandé un « randonneur ». –« Affirmatif » lui a t-on répondu. « Beaucoup plus ancien. Mais les pyramides ont bénéficié d’une publicité gigantesque, pharaonique, a t-il poursuivi. Ici les chambres funéraires (un mausolée est une nécropole) que vous visiterez sont demeurées invisibles, et le seraient restées à tout jamais. Savez-vous qu’une fois découvertes à la fin du XIXème siècle, ces cairns , leur nom officiel, ont servi de carrières exploitées et commercialisées par des gens sans scrupules ».

La résurrection de ce patrimoine inestimable est due à une poignée d’archéologues qui se sont battus bec et ongle pour sa réhabilitation. Elle est due surtout à André Malraux qui a eu le coup de foudre pour ces pierres au point de les comparer à un « Panthéon de mégalithes ».

Quelques sociétaires plus audacieux et plus curieux se sont aventurés dans ces « couloirs de la mort » de la nuit des temps et s’en sont tirés sans histoire. Comme on le faisait remarquer à propos de ces chambres funéraires (c’est leur nom officiel) le culte des morts est la base de toutes les religions, et en Bretagne plus qu’ailleurs.

Reine de l’Arvor

Deux heures debout le matin, une heure en début d’après-midi, les randonneurs ont apprécié une dernière étape plus reposante à Lamneur, à quelques kilomètres de Bar Nenez. Sagement assis sur le mur de clôture de l’enclos paroissial de Kernintron en Lanmeur les  sociétaires ont pu écouter le dernier guide, l’auteur de ces lignes, juché sur une des marches du calvaire monumental, leur rappeler que tous les sanctuaires en Bretagne étaient des enclos et que ceux-ci étaient avant tout des cimetières. On rejoignait le culte des morts évoqué par le guide précédent. 

Mais il y a bien autre chose à Kernintron et d’abord cette chapelle, une des plus originales puisqu’on y a réussi cet harmonieux mariage des deux styles architecturaux du moyen âge. A l’ouest le roman, à l’est le gothique. On aurait tort de ne voir dans ces deux arts qu’une différence dans la géométrie : plein cintre et voûte en berceau pour le roman, tiers point et croisée d’ogives pour le gothique. Élevons le débat ! La différence est spirituelle. C’est toute la religion et la foi qui vont être bouleversées. 

Le roman c’est une église militante, forteresse de la foi. Le chrétien ne pense qu’à son salut dans l’au-delà. Le tympan du portail sud de Kernintron en est un bel exemple. C’est un catéchisme en images qui s’offre au spectateur : comme à Saint-Trophime d’Arles ou à Moissac, c’est une vision du jugement dernier, à droite le Souverain juge les élus, à gauche les damnés. C’est une religion de la peur, une peur salutaire, oh combien, mais redoutable quand même. 

Avec le gothique tout va changer. C’est l’église triomphante ! Dieu n’est plus perçu comme un Souverain juge mais comme un bon samaritain, un bon pasteur. C’est la religion de l’amour et du pardon. Et, surtout, bien plus révolutionnaire le culte marial va prendre un essor extraordinaire particulièrement en Bretagne. 

Après avoir contemplé les bas reliefs du tympan du portail sud très dégradés par les intempéries, on entre dans l’église qui dans sa partie est offre aux regards statues, fresques, tableaux tous à la gloire de celle qu’on appelle encore « Reine de l’Arvor », première au « hit-parade » des saints (et des saintes) bretons avec en deuxième plan « Anne », héritière d’une divinité celtique. Tout le monde à l’invitation du guide s’est levé pour saluer comme il se doit cette héroïne du panthéon breton. Certains et certaines des moins jeunes ont même accompagné leur guide dans un cantique, cher au cœur de tous les Brestois à l’issue de la seconde guerre mondiale, qui a ravagé le « Grand port du Ponant » – chez nous soyez Reine. 

Au total, excellente journée. Et on s’est donné rendez-vous pour la suite du programme culturel après l’été.