Plougastel insolite : Sous le signe du Patrimoine et de l’Economie.
La sortie annuelle de la Section s’est déroulée le 01 Juin en presqu’île de Plougastel (PJ).
« Plougastel insolite »
sous le signe du Patrimoine et de l’Economie
Le premier juin, la section du Finistère nord de la Société des membres de la Légion d’Honneur avait mis le cap sur la presqu’île de Plougastel. Cette presqu’île, dont le tracé a la forme du main droite renversée, est située à une dizaine de kilomètres au sud de Brest. Elle est célèbre pour la production de fraises sous serres, et en mer pour la collecte de coquilles Saint- Jacques. Mais, ce ne sont pas ces activités que nous sommes allés visiter au cours de notre sortie annuelle. Accueillie par deux talentueux sonneurs du bagad de Plougastel en costume traditionnel, une quarantaine de légionnaires et d’accompagnants sont allés à la recherche d’un « Plougastel insolite », sous la conduite de Marcelle Le Saint, présidente du comité de Daoulas, et d’Henri Turier, conférencier émérite.
Le joyau du patrimoine de la presqu’île est incontestablement le majestueux calvaire situé au centre de la commune de Plougastel-Daoulas. Il fut bâti entre 1602 et 1604 en tant qu’ex-voto pour la cessation de l’épidémie de peste de 1598 et a été classé monument historique en 1891. Construit en kersantite, pierre localement abondante et facile à façonner, le monument supporte tout un aréopage de sculptures en granite breton qui ont traversé les siècles pratiquement intactes, illustrant pour les croyants et les pèlerins des épisodes majeurs de la Bible et de la vie du Christ. Le patrimoine de la presqu’île est riche de 8 chapelles ; les visiteurs ont particulièrement apprécié le calme et le recueillement de la chapelle de la « Fontaine Blanche », dans un cadre enchanteur où trône une admirable statue de la Vierge à l’Enfant, autrefois invoquée par les femmes désireuses de s’assurer une bonne grossesse et une bonne maternité.
La société « Canopée » représente un excellent témoignage du dynamisme économique de la presqu’île. Créée par Colette et Dominique Barthélemy c’est une petite entreprise d’horticulture qui produit et vend à grande échelle des orchidées tropicales. Dans des serres reconstituant une atmosphère chaude et humide un festival de couleurs nous attendait. Nous avons été gagnés par la passion de Colette Barthélemy qui nous a initiés aux secrets de la culture de ces plantes fascinantes. Contribuant au rayonnement national et international de son entreprise, elle a su retrouver la technique d’une production en nombre des Disa uniflora, aériennes orchidées originaires de la montagne de la Table (Capetown, Afrique du Sud) dont la pratique s’était perdue en France après la première guerre mondiale.
Sur la route nous n’avons pas manqué de faire escale au « mémorial Indochine-Corée », situé sur la commune de l’Hopital-Camfrout, au sud de Plougastel-Daoulas. Après nous avoir invités à observer une minute de silence en mémoire des 724 Finistériens morts pour la France pendant les guerres d’Indochine et de Corée, Jean Keromnès, ancien maire de la commune et président du mémorial, nous a raconté l’histoire de ce mémorial installé en 2005 grâce au soutien de plusieurs dizaines de communes de Bretagne.
Abattu alors qu’il volait sur un « Privateer » quadrimoteur le 8 mai 1954 au-dessus de la cuvette de Dien Bien Phu (deux rescapés sur neuf hommes d’équipage) Jean Keromnès fut fait prisonnier et envoyé en camp de rééducation par le Viet Minh. Libéré et rapatrié après trois mois et demi de captivité, il est réintégré au sein de l’Aéronavale. Embarqué sur le porte- avions « Foch » il termine en 1968 sa carrière de marin. Il est Commandeur de la Légion d’Honneur, décoré de la Médaille militaire, titulaire de trois Croix de guerre (Indochine) et chevalier du Mérite maritime.
Le 3 juin 2017 Paul Tréguer
Légionnaires et pélerins
Plougastel, 1er juin 2017
Pour leur sortie annuelle les membres de la SMLH du Finistère-nord ont été invités à un pèlerinage, le plus court des pèlerinages assurément puisqu’il s’est résumé à tourner autour des quatre faces d’un monument religieux emblématique de Plougastel : son calvaire. Simple ou historié tout calvaire est une stèle religieuse commémorant celui qui a été dressé à Jérusalem il y a deux mille ans pour la crucifixion du Christ. En Bretagne il est aussi la pièce maîtresse de ce qu’on appelle un « enclos paroissial ». Nous y reviendrons. Erigé en 1610 ce quadrilatère de granit, de grès et de Kersanton (pierre locale idéale pour la sculpture) présente sur sa plateforme et ses faces latérales 150 personnages animant 15 mises en scène illustrant autant de moments de la vie du Christ, notamment sa naissance et sa mort, célébrées par les deux plus grandes fêtes de l’année chrétienne : Noël et Pâques. Evoluant tel un poisson dans l’eau dans le patrimoine religieux de Plougastel, le guide de ce pèlerinage, Henri Jean Turier, bien connu de tous les légionnaires, s’est mué en prédicateur, détaillant et commentant chacune des 15 scènes de théâtre, emmenant son auditoire et ses musiciens d’une façade à l’autre.
Musiciens ? Oui. Deux musiciens vêtus du costume traditionnel des habitants de Plougastel avaient tenu à s’associer à la quarantaine d’auditeurs-spectateurs. Toute se passe comme si leurs deux bombardes avaient fait écho aux deux trompes de chasse aux mains des soldats en costume d’Henri III au premier plan de la scène la plus spectaculaire de la « bande dessinée » de la façade sud. Deux soldats hilares et tapageurs dont le seul souci était de tourner en dérision la marche au supplice du condamné à mort le plus célèbre de l’histoire du monde.
Vent nouveau
Deux raisons d’être de ce calvaire explique le « prédicateur ». C’est d’abord un ex voto en remerciement à Dieu pour la fin d’une terrible épidémie de peste. Mais c’est surtout un appui visuel aux prédications orales lors des deux grandes fêtes nommées plus haut : Noël et Pâques. Des prédications tout à fait dans l’esprit du XVIIIème de la Réforme catholique, ou contre-réforme, instituée à l’issue du célèbre Concile de Trente, le plus révolutionnaire des conciles. La religion de la peur, peur du Jugement dernier et de la damnation, disparait. Nait la religion de l’amour et de l’humanisme, chers au philosophe Erasme et surtout au général et fondateur d’un nouvel ordre religieux, l’ordre des jésuites, Ignace de Loyola. Un vent nouveau commence à souffler. L’enseignement religieux est à l’honneur et fait feu de tout bois pour faire passer le message : « aime Dieu, aime ton prochain et aime toi toi-même » (charité bien ordonné…). Sans cette dernière recommandation les deux autres seraient lettre morte, n’est-il pas vrai ? Les quatre évangélistes accompagnés de leurs totems animaux ont été placés par l’« imagier » de 1610 aux quatre coins du monument, comme s’ils tenaient à garantir la bonne foi de l’orateur et la fidélité du texte. Mais ce même « imagier » s’est affranchi quelque peu de l’ordre chronologique dans sa bande dessinée, préférant sacrifier au symbolisme des images. Notre « prédicateur » improvisé du 1er juin 2017 fait de même. Place au premier et plus grand symbole dans toutes les religions : le soleil. Tous les calvaires sont orientés et leurs quatre façades, exposées aux quatre point cardinaux montrent des scènes en relation avec ces points. Mais H.J. Turier insiste sur un point qui lui tient à cœur. Le calvaire est avant tout la pièce maîtresse de l’enclos paroissial, cher au cœur de tous les Bretons. Qu’est-ce qu’un enclos ? Comme son nom l’indique un espace clos entourant un cimetière, même si celui-ci est désaffecté comme à Plougastel. Tous les Bretons ont le culte des morts (attention ! pas le culte de la mort). Et ce culte est, qu’on le veuille ou non, la base de toutes les religions. Et en point d’orgue de ce pèlerinage un hymne à la Bretagne par un de ses plus grands poètes, Xavier Grall :
1er juin 2017. H.J.T